Le CDHA dans La Provence

De nouveau, le CDHA a les honneurs de la presse, La Provence a tenu à écrire un article sur notre beau projet : LE CONSERVATOIRE NATIONAL DE LA MÉMOIRE DES FRANÇAIS D’AFRIQUE DU NORD

extrait de : http://www.laprovence.com/article/societe/4395289/rapatries-dalgerie-un-...

C'est un terrain mouvant et politisé, une plaie encore ouverte. Évoquer l'histoire de la France en Algérie, c'est entrer de plain-pied dans la souffrance algérienne, qu'elle soit pied-noir ou musulmane, et rouvrir les dossiers noirs de la République. Dans ce contexte, prôner une approche apaisée de la question relève presque de la gageure, surtout quand on parle clairement depuis un côté de la fracture. C'est pourtant l'ambition affichée du Centre de documentation historique sur l'Algérie (CDHA), qui porte, via une fondation dédiée, un projet "apolitique" de Conservatoire national de la mémoire des Français d'Afrique du nord.

"Nous venons d'une histoire complexe et souvent traitée de manière caricaturale", estime Joseph Perez, ancien patron de la Société marseillaise de crédit et actuel président du CDHA. Ce natif d'Oran, fils d'un ouvrier en sellerie auto, ne nie pas les tentations politiques extrêmes de toute une partie des rapatriés et de leurs descendants. Mais il les voit d'abord comme "une réaction" à la douleur de l'exil et, peut-être plus encore, à celle de l'accueil pour le moins mitigé réservé par la métropole à ses concitoyens du département algérien, rapatriés dans l'urgence et, pour la grande majorité, dans la plus extrême précarité en 1962, à l'issue des accords d'Évian et de l'indépendance algérienne.

"La vérité sur l'Algérie est complexe"

Depuis, deux romans de l'Algérie française se sont écrits et affrontés : d'un côté l'histoire du vilain colon, riche propriétaire foncier et brutal exploiteur de main-d'oeuvre arabe (quid, alors, des ouvriers, petits fonctionnaires, agriculteurs et commerçants pieds-noirs ?). De l'autre, celle de la vertu coloniale et civilisatrice de la France, qui construisait routes, écoles publiques et hôpitaux dans un pays de Cocagne où l'Européen éclairait l'Arabe ou le Kabyle qui n'attendait que ça (tout en gardant deux statuts distincts de citoyenneté, l'un plein et entier pour les Algériens d'origine européenne et les Juifs d'Algérie ; l'autre, a minima, pour la population musulmane).

"La vérité sur l'Algérie est complexe et toute tentative pour la simplifier revient plus ou moins à la manipuler", poursuit Joseph Perez, qui considère toutefois que "les livres scolaires sont une catastrophe de ce point de vue là, parce qu'on n'y rend compte que du point de vue anticolonialiste". Pour le président du CDHA, qui reconnaît tout de même que, dans ces années 50-60 qui ont marqué la fin de la mainmise française sur l'Algérie, "le temps du colonialisme était sûrement passé", il est l'heure pour les rapatriés "de rétablir une réalité vécue sur l'histoire de l'Algérie en présence française. Et ça, ça n'est pas huit ans de guerre mais 132 ans de présence. Si on juge tout à l'aune de la période de guerre, c'est sûr que ça n'est pas reluisant".

Les pompiers de l'Arba vers 1910

Une subvention qui s'élèverait à 750 000 €

Le débat sur les vertus et errements du colonialisme ne sera pas tranché ici. Mais il n'en reste pas moins qu'au regard du rapport toujours passionnel qu'entretient la France avec son ancien département (et inversement), la somme d'archives collectées au fil des ans par le CDHA est un véritable trésor. Que le futur conservatoire a pour ambition de protéger en leur offrant un silo d'entreposage à l'abri de la lumière et des écarts de chaleur ou d'humidité, un outil moderne de consultation, ouvert aux chercheurs, scolaires, associations, mais aussi au grand public et des salles d'expositions et de conférences.

Si ce projet de conservatoire, souvent évoqué, voire acté, dans plusieurs villes de France (dont Marseille) avant de toujours disparaître de ses belles morts, s'ancre finalement à Aix, c'est "qu'ici, depuis Félix Ciccolini, les municipalités successives, quel que soit leur bord, nous ont toujours apporté leur considération", explique Joseph Perez. Et, plus concrètement, que la Ville a mis gracieusement à disposition (en 2012, via un bail emphytéotique de 99 ans) un terrain contigu à la Maison Maréchal-Juin, sur l'emprise de La Maréschale. En juillet dernier, le conseil municipal aixois a également voté un accord de principe à une subvention qui s'élèverait à 750 000 €. Le conseil régional l'a rejoint le mois dernier à hauteur de 900 000 €. "On attend désormais une aide du conseil départemental de 900 000 et 500 000 de la métropole", précise Joseph Perez qui déplore que l'État ne se soit pas encore engagé.

Quant au CDHA, il a donc créé, sous l'égide de la Fondation de France, une fondation dédiée au financement du conservatoire, espérant réunir un tiers des 4,5 millions d'euros du projet. Ouverture (optimiste, pas un bout de chape n'a encore été coulé) prévue pour 2018.


Relevés topographiques 1876

Quarante-deux ans de patiente collecte

Le Centre de documentation historique sur l'Algérie est né à Aix de la volonté de deux femmes, l'ancienne sénatrice d'Alger, Mme Charles-Vallin et Melle Pasquier-Bronde, fille de l'un des fondateurs du mouvement mutualiste en Algérie. En 1974, elle s'ouvre au maire aixois de l'époque, Félix Ciccolini, de la volonté de nombreuses familles de rapatriés d'Algérie de sauvegarder la mémoire de leur passé algérien, quelle que forme qu'elle prenne : collection de quotidiens ou revues techniques, de livres ayant trait à l'Algérie ou s'y passant, d'albums de photos familiales, d'actes notariés, de cartes d'état-major, d'huiles sur toile...

À l'époque, Aix vient d'accueillir le Centre des archives d'Outre-mer (lire ci-contre). Il apparaît donc logique à Félix Ciccolini de préserver la mémoire personnelle, aux côtés des archives officielles. Le CDHA était lancé. Après avoir profité d'un petit local en mairie, le centre déménage à la Méjanes, puis, lorsqu'elle est ouverte en 1994 pour les différentes associations de rapatriés de la ville, dans la Maison Maréchal-Juin.

La collecte de documents n'a jamais pris fin depuis, mais aussi d'entretiens filmés sur les souvenirs de rapatriés ou d'acteurs directs du conflit algérien (sous l'impulsion originelle de l'historien Jean Monneret). 20 000 ouvrages sur l'Afrique du nord, quelque 80 000 documents iconographiques, dont une bonne part patiemment répertoriée et numérisée : le fonds du CDHA est unique en France, mais désormais fort à l'étroit à Maréchal-Juin.

Pour aller plus loin : www.cdha.fr


Pieds-noirs, rapatriés, repliés... 

Quand on évoque la question des Français d'Algérie, une première question se pose, celle de leur dénomination. La plus communément admise désormais est celle d'une "communauté pied-noir". Qui ne convient pas à nombre de ses membres... "Parce que je ne me considère pas faire partie d'une communauté pied-noir, je suis français", confie ainsi Joseph Perez. Lors du retour des Français d'Algérie, en 1962, certaines associations utilisaient un terme quasi-militaire et qui disait aussi quelque chose de l'espoir de retour : les repliés d'Algérie. Un mot auquel se substituera au fil du temps un vocable qui évoque plutôt le retour définitif à la mère Patrie : les rapatriés. Quant à l'origine même du terme pied-noir, elle reste floue, selon le président du CDHA. "L'une des explications avancées, explique-t-il, c'est que, lors de la conquête de l'Algérie (par les troupes de Bugeaud, au XIXe, Ndlr), les militaires français portaient des bottes noires. On évoque aussi la culture viticole et le foulage des raisins qui faisait le pied noir."

Albums de famille : un carnaval en 1956


Aix, pôle d'archives ultramarines

Depuis 1966, Aix accueille la mémoire coloniale de la France, via le Centre des archives nationales d'Outre-mer, devenu depuis les Archives nationales d'Outre-mer. Les minutes du procès du naufrage de La Méduse, les plans des forts Vauban des Antilles, le carnet de voyage au Maroc du peintre Henri Le Riche en 1933 (photo), l'histoire des bagnes de Nouvelle-Calédonie ou de Guyane, les pubs Banania... Dramatique ou anecdotique, la mémoire ultramarine, des explorations du XVIe aux indépendances des années 50-60, y est sauvegardée.