Les bobines du CDHA : Mars 1947, c’était il y a 70 à Santa-Cruz

Anne MATTEI et son mari, Jean-François MATTEI, le célèbre philosophe qui nous a quitté il y a maintenant 3 ans, nous ont confié en février 2014 un fonds important de films familiaux. A notre demande, Anne MATTEI a été interviewée et a commenté ses différents films familiaux personnels.

Ce film noir et blanc muet de 4 min 40, a été tourné en mars 1947 par Monsieur Henri FABRE-LA MAURELLE, oncle maternel de Madame Anne MATTEI. Il travaillait dans les chemins de fer et vivait dans la région d’Oran. Il avait acquis dès 1923 une des toutes premières caméras 9,5mm Pathé. Pendant 40 ans, il a filmé, titré et monté ces témoignages vivants de la vie en Algérie.  La première partie est filmée à Santa Cruz, elle est annotée « Enfants Bails, Le fort, Casse-croute, Pano Kébir », la seconde « Port d’Oran 1947, Jean, En barque – Jetée. »

« […] Déjà, aux portes mêmes d'Oran, la nature hausse le ton. Du côté de Canastel, ce sont d'im­menses friches, couvertes de broussailles odo­rantes. Le soleil et le vent n'y parlent que de solitude. Au-dessus d'Oran, c'est la montagne de Santa Cruz, le plateau et les mille ravins qui y mènent. Des routes, jadis carrossables, s'ac­crochent au flanc des coteaux qui dominent la mer. Au mois de janvier, certaines sont cou­vertes de fleurs. Pâquerettes et boutons d'or en font des allées fastueuses, brodées de jaune et de blanc. De Santa Cruz, tout a été dit. Mais si j'avais à en parler, j'oublierais les cortèges sacrés qui gravissent la dure colline, aux grandes fêtes, pour évoquer d'autres pèlerinages. Solitaires, ils cheminent dans la pierre rouge, s'élèvent au-dessus de la baie immobile, et viennent consa­crer au dénuement une heure lumineuse et parfaite. peuplés de petites villas nues, au milieu des fleurs. La mer gronde un peu, en contrebas. Déjà pourtant, le soleil, le vent léger, la blan­cheur des asphodèles, le bleu cru du ciel, tout laisse imaginer l'été, la jeunesse dorée qui couvre alors la plage, les longues heures sur le sable et la douceur subite des soirs. […] » Albert CAMUS, Le minautore, in L’Eté, Gallimard, 1959.