Il y a soixante ans… La marche vers l’exode

Dans son livre Les Français d’Algérie, de 1830 à aujourd’hui, Une page d’histoire déchirée, publié chez Fayard en mai 2001, Jeannine Verdès-Leroux, directeur de recherche CNRS à la Fondation nationale des sciences politiques a rendu compte, dans une partie de son ouvrage, de 170 entretiens qu’elle a réalisés considérant que c’est « le seul moyen de connaitre les spécificités de cette communauté ».
Le chapitre V de son ouvrage est consacré à « La marche vers l’exode », décrite à partir des entretiens, qui tous en parlent. L’auteur déroule son analyse en douze aspects détaillés dans 46 pages, soit 10% de l’ouvrage.
Nous rappellerons ci-après les points forts de chacune de ces facettes, les phrases entre-guillemets étant extraites des entretiens.

1/- L’impensable
Au plus fort des événements des années 1960-62 l’idée qu’il faudrait partir un jour était tout simplement impensable pour les Français d’Algérie.
➢ « Je me disais, ça ne viendra pas jusqu’ici, ça s’arrangera… On était tellement vissés à cette terre que vraiment on ne voulait pas y penser, on se refusait… On préférait presque mourir que d’y penser ».
➢ « Il y avait une évolution historique inéluctable et c’était normal qu’on arrive à ce que ce pays soit indépendant… En même temps, c’était plus fort que nous, il n’est pas possible qu’on soit arrachés à ce pays, à notre pays. »
➢ « J’étais encore à Bône [le jour de l’indépendance], pensant que c’était la même chose que la veille, que rien n’avait changé. Il a fallu que je voie les déferlements de cette horde tirant des coups de fusil et de mitraillette dans tous les coins de la ville pour comprendre que nous n’étions plus chez nous, je n’avais pas compris jusqu’à la fin. »
➢ « C’est pas possible, c’est là que se trouve le point central de l’exil… Il est impossible qu’Alger ne soit pas française, les choses arrivent, l’exilé découvre l’incroyable. »
➢ « J’ai été pratiquement le seul dans mon entourage à ne pas acheter un appartement en Algérie ; ma femme m’aurait presque traîné chez un promoteur. Je lui ai toujours dit : La rébellion nous foutra dehors. Mais partir, ah ! non, ça aurait été une trahison… Je ne suis pas parti avant le mois de juin, ça aurait été une trahison. »

2/- Pourquoi l’OAS
Sur un peu plus d’une quinzaine de personnes, sur les 170 interviewées, qui ont dit avoir été OAS, bon nombre sont difficiles à classer. Ils étaient viscéralement attachés à cette terre, tous énervés, désorientés par les promesses, les tournants et les reculades du gouvernement.
➢ [L’OAS c’était] « un mythe. Même au sommet de la vague, quand on lui prêtait le contrôle d’Alger. Une minorité dans une minorité. Quinze cents malheureux gars. Cinquante combattant chevronnés. Pas d’armes ou presque… Et dans les derniers jours de l’Algérie, il ne restait rien de l’organisation. »
➢ « L’OAS, je l’ai suivie de coeur ; pour les actes, c’est une autre paire de manches. Pour rien au monde je n’aurais été tuer un type… »
➢ « [L’OAS], je n’aime pas en parler, il faut comprendre ce mouvement, mais il ne faut pas en approuver les manifestations. »
➢ « … les gens d’Algérie qui ont adhéré… ont considéré… que… au point où on en était arrivé… c’était… le seul moyen de faire quelque chose, de répondre par la violence à la violence, qui était le seul moyen qui restait pour s’exprimer… On en a fait des fascistes, etc., mais, à l’origine, c’étaient des gens qui n’avaient rien d’ultras, qui ne savaient même pas ce qu’était un fasciste et qui se sont trouvés complètement coincés. »
➢ « Je voyais ça comme la résistance en France, il y avait un ennemi ; c’était un chant de désespoir, mais je voyais ça comme un dernier sursaut. »
➢ … « la démarche, au départ, était la même, il y avait l’amour du pays, tous voulaient rester sur cette terre, tous ensemble. »
➢ « La réaction générale a été : on nous tue, alors on tue, mais enfin ils ont commencé à tuer en 61 et non pas en 54. »
➢ « On peut toujours se demander si, en lançant les accords d’Evian en excluant les Européens d’Algérie, qui n’étaient pas autour de la table, on ne faisait pas le jeu de l’OAS, puisque pour être à la table des négociations, il fallait avoir porté les armes contre la France. »
➢ « Alors bien sûr, l’OAS a aggravé, a accéléré, je pense que, ce faisant, elle a rendu service au gouvernement qui, tout en la combattant, l’a encouragée aussi…, il y a eu des manipulations…, l’OAS a aidé à accélérer la fin. »
➢ « L’OAS, ça m’a toujours paru une création de De Gaulle…, non pas par machiavélisme, pas à ce point-là ! Je veux dire que l’OAS m’a toujours paru une folie, et que, quand une population devient folle, c’est que probablement on l‘a rendue folle… Faire vivre une population dans le double langage pendant 3-4 ans, lorsque c’est sa vie qui est en jeu, en cause, ça rend les gens fous. »

3/- Le départ et l’arrivée
La plupart parlent du départ avec colère et hébétude.
➢ « On est partis, je ne sais pas pourquoi, je vous le dis franchement. Il y a eu un mouvement de panique, tout le monde a suivi ; on nous disait qu’on allait nous égorger, nous tuer, Tout le monde est parti. »
➢ « Les derniers jours de Pompéi, les gens dans la situation où ils ont été saisis, nous, c’est pareil. »
➢ « Ces départs [en avril-juin], j’ai trouvé ça ahurissant, incompréhensible, cette frayeur de la foule, tout d’un coup ; alors qu’il y avait eu des bombes, ils avaient continué à vivre comme si de rien n’était ; tout à coup, tout s’arrêtait, à ce moment-là, une frayeur comme s’il y avait le feu…, peur des assassinats ; en juillet 62, nous n’avions plus de troupes pour nous défendre… L’affolement, on le voyait. »
➢ Les métropolitains, ils étaient absolument interloqués, parce qu’ils voyaient cette misère s’étaler sur le port de Marseille, de Sète, partout, et ces gens qu’on leur avait présentés comme de grands colons, ils débarquaient là sans un rond, c’était une marée de clodos qui envahissaient toutes les villes de la Méditerranée, qui remontait à Paris… Ces gens voyaient débarquer de pauvres familles complètement démunies, désespérées, en larmes, avec des valises vides, parfois sans valise. »
➢ L’exode, je trouvais ça atroce, trop injuste, c’était affreux, c’était politiquement impossible, toutes les valeurs pour lesquelles s’étaient battu tous ces Juifs d’Algérie que j’avais connus, rejetés aux poubelles de l’Histoire pour des crimes qu’ils n’avaient pas commis, par une communauté française de gauche, par Le Monde, qui n’avaient jamais pris le moindre risque…, en disant de leur bureau parisien capitonné : Ces gens-là, ils ont assez fait suer le burnous. »
➢ « La ferveur qu’on a aujourd’hui avec les gens du Kosovo, est-ce qu’on aurait pas pu l’avoir pour nous à l’époque ?
➢ « En France on a été dispersés, et ça a été très dur. On s’est trouvés projetés… dans des villes qu’on ne connaissait pas… On se sentait culpabilisés, on étaient ceux qui n’auraient pas dû être là-bas, on
avait fait des profits, on étaient présentés comme des profiteurs, c’était bien fait ce qui nous arrivait, ça devait arriver ; donc non seulement on avait vécu sept ans de cauchemar, mais en plus… »

4/- Les jours de colère
Trois filons de colère traversent les récits de l’arrivée. Les trahisons et l’insensibilité du général De Gaulle, le rejet de la France, la critique des Français, leurs responsabilités et leurs défauts.
➢ « Il [De Gaulle] n’a jamais eu un mot de compassion, de miséricorde, de charité. »
➢ « Pour ce qui est des affaires nationales, nous nous en remettions toujours aux Français, à la France. Tout à coup, comprendre qu’elle voulait nous laisser tomber, ça nous est apparu comme une monstruosité, c’était pas possible, c’était une espèce de mère qui abandonnait ses enfants. »
➢ « La France n’est plus mon pays, je m’en moque. »
➢ « En quittant malgré moi l’Algérie, il n’était pas question pour moi de venir m’installer en France que je rejetais par tous mes pores. »
➢ « Les Français sont très égoïstes, c’est un peuple égoïste, moi je l’ai observé cent fois. »
➢ « C’est vrai qu’on nous a calomniés. »
➢ « J’ai eu des réactions un peu de rejet vis-à-vis des populations de France. Je leur reproche… c’est qu’ils étaient complices d’une solution aussi catastrophique… Je crois que dans l’ensemble, les Français nous ont rendus coupables de la situation, ils ont dit de façon brutale : ils ont ce qu’ils méritent. »
➢ « Il m’est apparu que les gens manquaient d’esprit d’entreprise, étaient trop timorés… Ils sont sclérosés dans leurs certitudes. Quand vous dites que vous êtes d’Algérie, tout de suite, vous êtes l’étranger, le suspect… J’ai ressenti le racisme à mon encontre. »
➢ « Les Pieds-noirs étaient… très remontés contre une métropole avachie, renonçante, incapable de tenir son patrimoine. On a vécu ça douloureusement, la France ne valait pas un clou, les Français, même De Gaulle le disait, c’étaient des veaux. »
➢ « On méritait autre chose que ce que l’on a vécu, je pense qu’un jour l’Histoire nous donnera raison, j’espère. »
➢ « Quand ils ont vu que nous étions des ouvriers comme eux, plus malheureux qu’eux, ils ont compris. »
➢ « A Marseille, là, ça a été horrible. On nous a attendus comme des mafiosi alors qu’on étaient des loques. On a mis les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. On a inspecté nos bagages brutalement. »

5/- Les exceptions
➢ « Nous avons été très bien reçus par les habitants [Dunkerque]; dans les boutiques, avec ma soeur on se mettait à discuter, on parlait ; alors les commerçants : Oh madame, asseyez-vous, racontez-nous ce qui s’est passé, parce que nous ne savons rien, et nous savons trop ce que c’est de quitter son pays, nous l’avons quitté pendant la guerre, c’est trop terrible. On n’avait pas envie de parler, on voulait oublier tout, mais il fallait en parler, on a été très bien très bien reçu par tout le monde, les enfants à l’école, très bien. »

6/- Intégration économique et intégration profonde
L’intégration économique remarquable a été parfois accompagnée d’un repli sur soi, d’une distance vis-à-vis de la France. C’est la première fois qu’un tel phénomène se produit dans l’histoire de la France ; il marque un tournant : la France a perdu son unité ou plutôt sa volonté permanente d’unité et elle est tombée dans l’acceptation d’une France plurielle. La prolifération actuelle des communautarismes a commencé avec l’échec de 1962.
➢ « Nous en France, nous ne sommes pas des Français comme les autres : politiquement absolument rejetés, idéologiquement à part, psychologiquement, malgré les apparences, pas intégrés du tout. La
seule intégration que nous ayons complètement réussie, c’est notre intégration économique, dans l’ensemble. Je suis persuadé que c’est la moins importante de toute, une insertion économique ça peut se faire partout…, mais le plus important n’est pas fait… nous faisons avec. C’est une des raisons pour lesquelles nous restons facilement entre nous. »
➢ « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. »

7/- Le rebond
Le dynamisme de la communauté Pied-noire est souvent souligné.
➢ « Si ce peuple n’avait pas montré une joie de vivre, un esprit d’entreprise, une possibilité de travail, de survivre, farouche, ça aurait pu être quelque chose de… tragique, c’était la chance de tomber sur des gens qui ont pu survivre à ça. »
➢ « Les Pieds-noirs, en général, ont bien réussi, parce qu’ils ont quand même du coeur au ventre ; l’adversité a été souvent un aiguillon. Vous allez voir ce que vous allez voir, vous allez voir de quoi on est capables… En général, ils se sont bien débrouillés. On n’était pas aussi mauvais que certains ont bien voulu le dire, c’est une satisfaction à posteriori. »
➢ « On parle des gens qui ont réussi, mais on n’a pas montré les petites gens qui sont en train de souffrir, qui ne sont pas réintégrées. »
Un témoin parle des Harkis, des suicides à l’arrivée, et le fait qu’actuellement [on est en 2000-2001], 1500 à 2000 familles de l’agriculture et de l’artisanat sont plongées dans une forte détresse ; il travaille à les défendre.

8/- « Le rapatrié est donc bien une chance pour la France »
C’est la conclusion d’un rapport publié par la Documentation française en mars 1976. Il y est souligné à la fois que cette population était à l’arrivée inadaptée à la France, mais qu’elle a fait preuve de dynamisme, de modernisme, d’ouverture d’esprit, de largesse de vue, de réceptivité, d’esprit coopérateur, d’imagination, d’audace. Il y est reconnu un apport essentiel des agriculteurs, des commerçants et des artisans. Bien qu’il y ait eu un certain nombre d’échecs.

9/- Un exil singulier
Ce n’est pas seulement un pays perdu, c’est un pays qui n’existe plus. La passion singulière des Pieds-noirs pour leur passé tient à ce que le pays magnifique qu’ils aimaient a disparu : le caractère tragique de cet exil tient à cette disparition.
➢ « C’est une sorte d’exil très particulier… Quand un Russe comme Nabokov est aux Etats-Unis, il est exilé, il sait que le régime a changé, mais il sait aussi que les Russes continuent à boire le thé, la vodka… Il sait aussi que, s’il retourne en Russie, il va retrouver les usages, tandis que nous, on a quitté un pays où tout a changé de nom et où, en somme, on efface tous les signes. »
➢ « Le plus dur, c’est que ce pays n’existe plus, je veux dire ce pays qui a été le nôtre. »
➢ « C’est peut-être le plus cruel dans ce retour que j’ai fait en 1983… de constater la décrépitude de cette ville [Alger], comme dans ces bandes futuristes catastrophiques dans lesquelles on voit les villes en ruines, les murs qui se lézardent… Tout est usé. J’ai fait le tour de l’hôpital Mustapha qui était un superbe hôpital ; en 83, c’était devenu des choses abominables et tout est à l’avenant, c’est très cruel, ça fait beaucoup de peine. »
➢ « Le retour à Alger a été une épreuve que j’ai différée pendant 21 ans. Il fallait voir le pays mort pour en faire le deuil. »
➢ « Je crois que nous ne nous sommes jamais remis. »
➢ « Je suis revenue avec une grande nostalgie, une mélancholie des individus et une tristesse terrible de voir comment ils étaient. »
➢ « Jusqu’à ce que j’y retourne en 1981, j’en ai rêvé presque chaque nuit. »
Commenté [JS1]:
➢ « Moi, je n’ai pas voulu aller… C’est peut-être ma formation juive, talmudique, quand la mort a saisi… il faut remettre du vivant, beaucoup, beaucoup, il ne faut pas aller voir la mort. »
➢ « Le fait de me retrouver en France, jusqu’à récemment… j’étais pas en France de manière définitive dans mon esprit, j’étais de passage, il fallait vraiment que je fasse un effort sur moi-même pour me dire : mais c’est fini, c’est définitif, tu ne repartiras jamais. »
➢ « La mentalité française, c’est pas du tout notre mentalité d’Afrique du Nord, c’est le jour et la nuit, il n’y a aucune comparaison à faire, aucune. »
➢ « … la façon de prendre la vie… J’ai l’impression qu’ils sont [les Français] peut-être plus près d’eux-mêmes que de l’extérieur, et les Français d’Algérie, plus près de l’extérieur que d’eux-mêmes. »

10/- La fierté de la différence et la solidarité de la communauté
Beaucoup d’entretiens parlent du fait d’avoir vécu dans un pays « mélangé » comme d’un plaisir et d’un atout. Quand les personnes des milieux populaires parlent de bonheur de vivre dans des quartiers « mélangés », il s’agit du mélange de populations européennes et de leurs langues. Quand il s’agit d’habitants du bled, c’est l’apport de la civilisation musulmane qui est affirmé.
➢ « Ça m’a donné le bénéfice d’une étrangeté, cette enfance particulière dans un monde dont la particularité était, à cause de la géographie et surtout de l’histoire, de vivre dans un décalage par rapport à la métropole ou à la marche du monde ordinaire, qui lui donnait un charme fou. »
➢ « Il nous a fallu être coupé de ce monde-là pour comprendre tout ce que la cohabitation avec une autre civilisation nous avait apporté ; ça nous a apporté quelque chose dont les occidentaux sont totalement dépourvus. C’est tout simplement de comprendre qu’on puisse penser autrement que nous. »
➢ « On tenait bon pour rien [à propos des barricades]. J’approuvais, puisque c’était les miens. Ça paraît une conduite pas logique ; la raison disait pour rien et l’affectivité disait c’est les tiens qui sont là. La solidarité est si forte qu’elle engageait tout autant les membres de la communauté qui vivaient au loin, et qui parfois n’étaient pas d’accord. »
➢ « J’entendais tout le temps des propos fort désagréables sur les Pieds-noirs [à Paris], alors là je réagissais toujours en disant Je suis Pieds-noirs, allez vous faire foutre… Je n’appartenais à une communauté que parce que je la sentais attaquée, ce qui est classique. »
➢ « Dans mon travail, je fais jouer la solidarité pied-noire, on se sent pas vraiment identique aux gens de ce pays, je n’en fait pas étalage. »
➢ « Rien n’est plus dur que d’être un renégat. Je suis très ouvert, très attentif ; à chaque fois que j’ai pu aider un compatriote, quelle que soit son origine, y compris les arabes, parce qu’il y a quand même toute une tranche de ma vie, la vie de mes parents, de mes grands-parents, ça a été un moment de l’histoire qui s’est défait…Tout geste de solidarité vis-à-vis des membres de la communauté pied-noire fait partie des obligations, il n’y a pas de discussion possible. »

11/- Les voeux ardents des Français d’Algérie et leur solitude
Les Français d’Algérie attendent et réclament une réappréciation de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ont fait. On en est fort loin.
➢ « Le gouvernement nous doit 35 ans de soleil, de fraternité, de tout ce qu’on a laissé là-bas, même si nous n’avions pas de biens. »
➢ « Comment, historiquement, les choses deviennent insupportables ? »
Que sont devenus ces jours d’autrefois où les métropolitains parlaient fièrement de leur empire de 110 millions de Français en louant le génie colonisateur de la France, où les Bugeaud, les Gallieni et les Lyautey étaient des héros nationaux et les colons des bâtisseurs ?
On peut comprendre la stupeur, l’incompréhension, la douleur des Pieds-noirs quand ils virent le gouvernement de la France et l’Eglise effectuer un tournant à 180 degrés. La remise en cause de l’Algérie française s’est produite en très peu d’années.
L’Eglise elle-même, ayant longtemps encouragé des actions qu’elle trouvait admirables, a voulu prendre ses distances pour sauver son avenir en terre d’islam. De même, beaucoup de Français se mirent rapidement à juger les Pieds-noirs et à les condamner sans appel, parce qu’ils étaient nés de l’autre côté de la mer. En ce cours laps de temps, la mission civilisatrice de la France n’appelait plus que sarcasme ou contrition, écrit A. Rossfelder.

12/- L’avenir des Français d’Algérie
L’apaisement des Français d’Algérie passera par la révision des jugements portés sur et par l’écriture d’une histoire équitable.
➢ « Nous avons toujours conscience de représenter un moment qui n’aura pas de postérité, pas de prolongement, nous sommes une fin de course. »
Jannine Verdès-Leroux termine cette marche vers l’exode en citant cette question proposée par Raphaël Draï :
Pourquoi les Pieds-noirs n’auraient pas été en Algérie tels qu’ils se sont révélés en France, pour peu qu’on les eût aidés, à force d’éducation digne de ce nom, sans les mener comme les relais inconscients d’un système qui faisait avorter leurs immenses qualités avant qu’elles aient eu le temps d’apparaître au jour ?

Texte établi par Jean-Pierre Simon,
Administrateur du CDHA