Le PCF et la question algérienne , 1920-1962

Le PCF et la question algérienne, 1920-1962

Les colonies, maillons-faibles des puissances impérialistes

En mars 1919, les bolcheviques russes créent à Moscou l’internationale communiste (IC). Pour eux, il est clair que les colonies sont les maillons faibles des puissances impérialistes. En décidant de faire scission et d’adhérer à la troisième internationale, lors du congrès de la SFIO de Tours en décembre 1920, ceux qui deviendront les communistes français s’engagent par là-même à respecter 21 conditions imposées par le Komintern. La huitième de ces conditions concerne les colonies. Elle exige notamment l’engagement de soutenir, non en paroles, mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies et l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole.

La complexité algérienne complique les visions simplistes

La section française du Komintern, autrement-dit le Parti communiste français (PCF), se voit donc chargée de défendre dans les colonies françaises, et particulièrement en Algérie, des revendications radicales comme l’abolition du régime de l’indigénat ou l’indépendance de la colonie. Mais il se trouve qu’à cette époque, ce pays n’est pas considéré comme une colonie, mais tout simplement comme une partie du territoire français, organisée en trois départements.

On voit que, dès le départ, le PCF en Algérie va se heurter à la difficulté énorme de devoir s’adresser en même temps à des ouvriers musulmans, arabes et berbères, et à des ouvriers d’origine européenne, aux perspectives politiques éloignées les unes des autres, sinon opposées. D’autant plus que, du côté européen, la plupart des militants communistes défendent plutôt des positions colonialistes et ne sont certainement pas prêts à défendre la ligne du Komintern en faveur de l’indépendance.

Le révélateur de la guerre du RIF

Ces questions vont prendre une acuité particulière en 1924, au moment de l’implication de la France dans la guerre du RIF. Le PCF invite les communistes algériens à soutenir Abd el Krim. On peut lire alors, dans les colonnes de l’Humanité, Vive l’indépendance du Maroc ! Vive la lutte internationale des peuples coloniaux ! L’effet attendu ne se produit pas. Au contraire, cela entraine la démission de militants hostiles à l’indépendance du RIF, qui sont alors majoritaires dans les sections algériennes du PCF. Une lettre de Jacques Doriot (alors membre du PCF) envoyée en interne et datant de cette époque fait remarquer que l’indépendance de cette colonie (Algérie) lui paraît inenvisageable, les Européens y étant aussi solidement implantés que les Arabes, qui sont eux-mêmes des conquérants. D’autre part, dans la jeune génération des Algériens évolués, on trouve plutôt des tenants de l’assimilation, comme c’est le cas de l’émir Khaled, exprimant une demande d’égalité des droits politiques et non d’indépendance.

L'étoile Nord-Africaine, une création de Moscou

La création par le PCF, à la demande de Moscou, de l’Etoile Nord-Africaine (ENA), en 1926 en métropole, constitue une tentative de résoudre le problème précédant en imposant une arabisation du Parti. L’ENA se déclare révolutionnaire et anticolonialiste, porte-drapeau des ouvriers musulmans doublement opprimés par le patronat et par le colonisateur. Dès l’année suivante, l’ENA est représentée au congrès de la Ligue contre l’impérialisme, par Messali Hadj qui en est devenu le secrétaire.

Parallèlement à la décision d’arabisation du parti, une véritable purge a lieu en 1926 consistant à exclure les adversaires de la prépondérance aux indigènes et de l’indépendance de l’Algérie, ce qui affaiblit encore plus la région algérienne du PCF.

En novembre 1928, l’ENA est interdite par les pouvoirs publics. Elle se reconstituera en mars 1933, mais contre le PCF, cette fois-ci. Messali Hadj affirme alors son indépendance complète vis-à-vis du parti, allant jusqu’à interdire aux communistes d’adhérer à l’ENA ! Il réclame l’indépendance pure et simple de l’Algérie, au nom d’un nationalisme arabo-musulman. Une indépendance que les arabo-berbères veulent obtenir par eux-mêmes indépendamment du PCF.

En 1933, Maurice Thorez, qui a pris la tête du PCF en 1930, effectue un voyage en Algérie où il tient 6 meetings. On a perdu beaucoup de camarades indigènes et beaucoup de camarades français, est-il obligé de constater. Il n’y a plus, en effet, que 200 camarades (une petite secte insignifiante, dira-t-on, avec seulement 10% d’arabo-musulmans), contre 1 500 en 1920 ! Pour lui, la raison en est qu’il y a chez les camarades européens une grande survivance de l’état d’esprit impérialiste et il y a de la part de nos camarades algériens une méfiance envers eux. De fait, le PCF est incapable de récupérer la contestation paysanne ou religieuse des musulmans, comme le souhaiteraient ses dirigeants.

L'impossible front populaire d'Algérie

L’été 1934 voit naître, sous l’impulsion de Staline, la politique de Front populaire rassemblant toutes les forces de gauche. En Algérie, avec les émeutes antisémites de Constantine, du 3 au 5 août, et les manifestations de paysans liées à l’aggravation de la misère dans les campagnes, c’est plutôt la discorde et la concurrence politique qui s’installent entre socialistes, fascistes et nationalistes. Le PCF cherche alors à créer un vaste front anti-impérialiste en Algérie et tente un rapprochement avec Messali Hadj. Mais sur le terrain les militants sont plutôt effrayés par les événements de Constantine et sont désemparés. Le rassemblement souhaité est un échec. L’idée va germer alors de constituer en Algérie deux fronts populaires, avec des communistes dans les deux fronts : un front français pour parer au danger fasciste, et un front arabe incluant les Oulémas et l’ENA, pour obtenir l’abolition du code de l’indigénat (mais pas l’indépendance). Fin 1935, le Komintern ordonne de préparer la transformation de l’organisation algérienne en parti indépendant et recommande de conserver le comité européen de front populaire et de constituer un comité de front unique des organisations arabes donnant l’initiative aux nationalistes et incluant le mot d’ordre de lutte pour l’indépendance de l’Algérie dans sa plateforme. Malgré ces injonctions, les rapports entre les communistes et les nationalistes n’iront qu’en se dégradant.

La création (en catimini...) du Parti Communiste Algérien

En octobre 1936 se tient à Alger le congrès constitutif du Parti communiste algérien (PCA) où siègent 62 délégués algériens, 67 délégués européens et 6 délégués femmes. Il remplace la région algérienne du PCF. Il aurait vu le jour en cachette de Maurice Thorez, qui n’y était pas favorable. Mais on est loin des préconisations du Komintern, et les premiers dirigeants du PCA adoptent des positions assimilationnistes, soutenant par exemple le projet Blum-Violette, dont ils soulignent simplement que donner le droit de vote à 25.000 indigènes, ce n’est pas suffisant. On se trouve bien aux antipodes des positions défendues quelques mois auparavant.

L’ENA est de nouveau interdite, considérée comme dangereuse par le Front populaire, le 26 janvier 1937. En réaction, le 11 mars 1937, Messali Hadj crée le Parti du peuple algérien (PPA) qui sera accusé par les communistes algériens d’être un agent du fascisme international, ses membres étant traités ironiquement de nazionalistes !   

A la fin de 1937, le PCA compte 5 000 membres, dont 2 000 musulmans. C’est certes mieux que les 200 de 1933 ! Mais dans les années suivantes, et jusqu’à la guerre, il sera fortement concurrencé par la montée en puissance des courants nationalistes d’une part et par le succès du Parti populaire français (PPF, de Doriot) d’autre part. La signature du Pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, lui porte un tort considérable qui réduit encore son influence.

La période de la guerre permet d’assister à un regain spectaculaire du nationalisme algérien, de plus en plus exigeant et vindicatif et cherchant à internationaliser ses exigences.

Le PCF disparaît (en 1939), puis revient en force (en 1945)

Quant au PCF, il est dissout le 26 septembre 1939. Il développera alors, clandestinement, des actions antimilitaristes et de sabotage contre l’effort de guerre français, avant de rejoindre la résistance deux ans plus tard. Maurice Thorez est mobilisé en 1939 puis il déserte en 1940 et s’installe en URSS pour la durée de la guerre. Il est déchu de la nationalité française. Mais, au sortir de la guerre, il est amnistié et réintègre le PCF. En 1945, il devient ministre de la Fonction publique au sein du gouvernement formé par De Gaulle. Il est ensuite nommé vice-président du Conseil des ministres entre 1946 et 1947.

Ce retour en force des communistes au gouvernement du pays (il y a 5 ministres communistes) leur donne à penser que l’heure est proche où ils pourront enfin accéder au pouvoir et instaurer la dictature du prolétariat, ce dont ils rêvent depuis 25 ans. Les exigences nouvelles et renforcées des nationalistes algériens, ne sont pas au premier rang de leurs priorités. C’est dans ce contexte historique qu’interviennent les événements de Sétif.

Le drame de Sétif et Guelma : les communistes sont aux commandes

Le drame de Sétif et Guelma, le 8 mai 1945, se place 10 jours après les premières élections municipales depuis la Libération, qui constituent un triomphe pour le PCF ; il arrive en tête dans près de 1 500 communes. Un cheminement pacifique vers le socialisme devient possible, voire imminent selon certains militants, et il en résultera automatiquement une évolution en douceur vers la démocratie des peuples coloniaux. Tel est le credo du parti en ce temps-là.

Le 8 mai 1945, on fête la victoire de la France et des Alliés, mais aussi de l’Union Soviétique, sur le nazisme. Ceux qui viennent troubler la fête ne peuvent être que des nazis. Le 10 mai, une délégation de communistes algériens auprès du Gouverneur général dénonce justement les agents hitlériens du PPA.

Dans l’Humanité du 11 mai, un titre précise Sétif, attentat fasciste le jour de la victoire. Dans l’Humanité du 12 mai, on pourra lire Il faut, tout de suite, châtier impitoyablement et rapidement les organisations de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute. Sont dénoncés aussi plus tard les seigneurs fascistes de la colonisation et les hauts fonctionnaires vichyssois.

Lors du 10e congrès du PCF, en juin 1945, le discours tenu au nom de la délégation du PCA précise : Le peuple algérien a les mêmes ennemis que le peuple français, et ne veut pas se séparer de la France. Ceux qui réclament l’indépendance de l’Algérie sont des agents conscients ou inconscients d’un autre impérialisme. Nous ne voulons pas changer un cheval borgne pour un aveugle.

Donnez du pain et non des bombes, titre l’Humanité du 15 mai 1945. Un bon titre, certes, mais un titre inadapté et surprenant quand on sait que précisément les zones où s’est déroulée l’insurrection n’étaient pas directement concernées par la famine et que les causes étaient tout autres. Toutefois les bombes étaient bien celles que le gouvernement de De Gaulle avait décidé d’envoyer pour réprimer l’émeute. Son ministre de l’Air, du 10 septembre 1944 au 21 novembre 1945, s’appelait Charles Tillon. Il était communiste.

En septembre1947, on peut lire dans les Cahiers du communisme : La thèse de l’indépendance immédiate de l’Algérie, préconisée par le Parti du Peuple Algérien (PPA) conduirait aux pires déboires. La situation actuelle de l’Algérie, …, [la] ferait passer immédiatement sous la coupe des trusts américains. La thèse de l’indépendance est encore présentée comme une fausse solution.

Recadrage de Moscou : les communistes quittent le pouvoir

Mais le Kominform (qui remplace le Komintern le 5 octobre 1947) critique vivement la participation des communistes au gouvernement français. Ils entrent alors dans l’opposition et sont exclus du gouvernement. Nouveau revirement du PCF, le soutien aux mouvements nationalistes redevient une arme à utiliser contre le camp impérialiste, que ce soit en Indochine ou en Algérie, où il faut soutenir l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) et le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD).

1er novembre 1954 : Les communistes ne sont pas informés du déclenchement de l’insurrection

Le premier novembre 1954, c’est la Toussaint rouge. Le secret a été bien gardé sur la date du déclenchement de l’insurrection. Tout le monde est surpris, à commencer par les communistes. La proclamation de FLN est claire, le but de l’insurrection c’est l’indépendance nationale. Le texte adressé au Peuple algérien et aux Militants de la Cause nationale est destiné à présenter notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l‘INDÉPENDANCE NATIONALE dans le cadre Nord-Africain. 

Pourtant, ni le PCA, ni le PCF ne reprendront à leur compte cette revendication d’indépendance. Le mot même sera absent de leurs communiqués respectifs. Dans son communiqué du 2 novembre, le PCA précise qu’ Il estime que la meilleure façon d’éviter les effusions de sang, d’instaurer un climat d’entente et de paix, consiste à faire droit aux revendications algériennes par la recherche d’une solution démocratique qui respecterait les intérêts de tous les habitants de l’Algérie, sans distinction de race ni de religion, et qui tiendrait compte des intérêts de la France. 

Six jours plus tard, le 8 novembre 1954, la déclaration du PCF, qui s’est donné une semaine de réflexion, appelle à reconnaître le bien-fondé des revendications à la liberté du peuple algérien. Le mot indépendance n’est pas utilisé là non plus.

De son côté, l’appel de l’ALN, qui accompagne la proclamation du FLN du 1er novembre 1954, fustige la faillite des partis qui prétendaient défendre le peuple algérien opprimé, au premier rang desquels on est obligé de penser au Parti communiste : Si à tous ces malheurs il faut ajouter la faillite de tous les partis politiques qui prétendaient te défendre, tu dois te convaincre de la nécessité de l’emploi d’autres moyens de lutte.

Par autres moyens de lutte, il faut entendre les actions terroristes, que précisément le PCF condamne implicitement dans sa déclaration du 8 novembre, en désapprouvant le recours à des actes individuels : En de telles circonstances, fidèle à l’enseignement de Lénine, la Parti communiste français, qui ne saurait approuver le recours à des actes individuels susceptibles de faire le jeu des pires colonialistes, si même ils n’étaient pas fomentés par eux, assure le peuple algérien de la solidarité de la classe ouvrière française dans sa lutte de masse contre la répression et pour la défense de ses droits.

Ce même passage contient aussi la crainte du PCF d’une manipulation commise par les pires colonialistes, susceptibles d’être les auteurs d’attentats qui seraient attribués à leurs ennemis. Ce qui confirme le niveau de méfiance du PCF vis-à-vis de l’insurrection du 1er novembre.

Les élections de janvier 1956, qui ont lieu après la dissolution de l’Assemblée, amènent au pouvoir un Front républicain (Socialistes, radicaux, mitterrandistes) avec pour mot d’ordre la paix en Algérie. Guy Mollet (SFIO), qui est chargé de constituer le gouvernement, considère la guerre comme imbécile et sans issue, mais affirme également que l’indépendance est une solution inacceptable pour le France. Il remplace Soustelle par Lacoste, ex-syndicaliste socialiste, qui demande immédiatement des moyens militaires supplémentaires et les obtient.

1956, espoir d'un nouveau front populaire ?

Le 12 mars 1956, les communistes votent les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, avec la majorité de l’Assemblée. Eux, qui jusqu’alors s’opposaient à la guerre, tout en soutenant la rébellion (raison pour laquelle le PCA est dissout le 12 septembre 1955, trois semaines après le massacre d’El Halia), savent pertinemment que leur vote va permettre, au contraire, la poursuite de la guerre. Croyaient-ils dans l’émergence d’un nouveau Front populaire ? Espéraient-ils ainsi rentrer à nouveau dans le jeu politique et accéder au gouvernement après en avoir été chassés en 1947 ?

Immédiatement, 70 000 réservistes sont rappelés, le contingent est mobilisé pour un service porté à 30 mois. Les effectifs militaires passent de 200 000 en 1955 à 400 000 en juillet 1956.

Volte-face et création du maquis communiste

Le vote des pouvoirs spéciaux par les communistes aurait pu révéler, aux yeux des masses algériennes et des nationalistes, une certaine ambiguïté, voire une complicité du Parti avec la droite et l’Armée. Regrettant rapidement d’avoir soutenu le gouvernement en mars, dès le mois de juin 1956, le PCF s’inscrit dans une opposition de plus en plus frontale. De son côté, le PCA, passé dans la clandestinité, organise un maquis lui appartenant en propre, avec l’accord du FLN, mais non à sa demande. Il se constitue dès le mois de mai 1956 dans la région d’Orléansville, à l’initiative du déserteur Henri Maillot. Celui-ci avait en effet réussi, le 6 avril 1956, à détourner un chargement d’armes et de munitions important qu’il destinait au maquis communiste.

En réalité, deux mois plus tard, en juin 1956, Maillot sera éliminé, vraisemblablement sur dénonciation de la population musulmane et les armes passeront à la rébellion. En fait, le FLN est hostile à cette idée de maquis communiste et décide,  le 1er juillet 1956, d’intégrer directement les combattants de la libération (CDL) dans les rangs du FLN-ALN, leur supprimant ainsi toute autonomie. Face à cette situation, le mot d’ordre communiste devient alors celui du noyautage du FLN. Noyautage réussi, puisque les communistes seront présents parmi les poseurs de bombes comme au sein du GPRA lui-même.

Par ailleurs, à partir de l’été 1956, le PCF suscitera au sein des Jeunesses communistes des actes d’insubordination et d’indiscipline parmi les appelés. Mais au total, ces soldats du refus ne seront que quelques dizaines, entre 1956 et 1959.

Echec de la gauche, retour de l'homme providentiel et du risque fasciste

En janvier 1957, Lacoste donne carte blanche au général Massu pour pacifier la ville d’Alger, après les attentats qui ont ensanglanté la ville. Mais malgré « l’efficacité » de la bataille d’Alger, l’incapacité des gouvernements du Front républicain à mettre fin à la guerre va entrainer la fin de la quatrième République. La gauche de gouvernement acceptera avec soulagement de se jeter dans les bras de De Gaulle, l’homme providentiel ! Les socialistes Guy Mollet et Max Lejeune participeront d’ailleurs à son premier gouvernement, en juin 1958, ainsi qu’André Boulloche et Eugène Thomas.

Quant aux communistes, ils s’inquiètent du retour au pouvoir du général. Ils y voient l’imminence d’une dictature personnelle susceptible d’ouvrir la voie au fascisme inscrite au sein même de la Constitution de la Ve République. Ils appelleront à voter « non » au referendum du 28 septembre 1958.

En septembre 1960, Khrouchtchev assume devant l'ONU le leadership du courant anti-colonialiste international

Dans son discours-fleuve devant l’assemblée générale de l’ONU, le leader soviétique accuse la France de mener une guerre injuste tout en exaltant l’héroïsme du FLN. Il sait désormais que « l’Algérie algérienne », annoncée par De Gaulle, ne sera pas algérienne et qu’il fera tout pour qu’elle devienne soviétique, pour le plus grand bonheur des peuples !

Evian et l'avenir des peuples algérien et français vu par les communistes

En mars 1962, peu de temps après les accords d’Evian, le PCA adresse au PCF un message où il précise comment se présente l’avenir des peuples algérien et français : Sa lutte (du peuple algérien) rejoint celle des forces ouvrières et démocratiques françaises contre le fascisme, le pouvoir personnel, pour la rénovation de la démocratie. Les succès respectifs de nos deux peuples donneront à la coopération franco-algérienne un contenu de moins en moins contraignant pour notre pays et la rendront solide parce que librement consentie et fondée sur l’égalité. Alors, commencera à s’épanouir à l’échelle de nos deux peuples la fraternité profonde qui unit nos deux partis et qui, telle une flamme dans la nuit coloniale, n’a cessé d’éclairer malgré la tempête la voie de l’amitié véritable entre les hommes et les peuples.

Malgré cette vision idéalisée exprimée par le comité central du PCA, nous continuons de partager la conclusion de Jean Monneret quand il écrit que le parti communiste algérien (PCA) ne parvint jamais à plonger ses racines dans le peuple autochtone, ajoutant dans la postface de son livre que l’histoire du communisme en Algérie est donc celle d’un échec retentissant.

Il est un fait que Ben Bella interdira le PCA dès novembre 1962 !

Il n'y a pas une guerre d'Algérie, mais des guerres en Algérie

Nous serions tentés d’ajouter, au terme de ce travail, que la question algérienne a atteint un tel degré de complexité qu’il faut sans doute, pour tenter de la mieux comprendre, considérer qu’elle s’inscrit au croisement de plusieurs impérialismes qui se développent et s’opposent à l’échelle mondiale dès l’après-seconde guerre mondiale. L’Impérialisme de la dictature du prolétariat et de l’internationale communiste. L’Impérialisme du monde libre et de la toute-puissance économique américaine. L’Impérialisme du Tiers-monde et de la pensée anticoloniale. L’Impérialisme du monde musulman et de la renaissance de l’islam conquérant.

Dans ce sens, il n’y a pas eu une guerre d’Algérie, mais plusieurs guerres en Algérie.

 

Jean-Pierre SIMON

Extrait du Mémoire Vive n°80