Les écoles nomades sahariennes

Les écoles nomades sahariennes

Ces écoles aussi efficaces que peu connues, sont nées de l’application du « plan de vingt ans de scolarisation totale » initié lors de la conférence de Brazzaville en janvier 1944. Dans ses recommandations, « la Conférence » se prononce catégoriquement contre le démembrement de l’empire colonial, qui annonce une évolution rapide de ses cents millions d’Européens, Arabo-Berbères et peuples de couleur. Elle insiste en particulier sur la nécessité de donner à l’enseignement une impulsion accrue, pour les garçons et les filles, et en langue française exclusivement.

C’est en 1949 que les deux premières classes nomades furent créées dans le Hoggar, ce territoire, comptant 1 habitant pour 32,79 hectares, couvre 350.000 kilomètres carrés, sa population totale est, en 1957, de 10.776 habitants dont 4.500 Touareg, ce fut la première expérience mondiale de scolarisation traditionnelle et itinérante, d’un peuple nomade, par un état.

L’enseignement était donné sous la tente, et c’est sous une tente de trois mètres sur trois que l’instituteur était « logé ». Le mobilier scolaire, que l’on n’avait pas oublié de doter d’un appareil de projection cinématographique fourni par « l’Office du Cinéma Educateur » d’Alger, ni d’une cantine scolaire, était transporté à dos de chameau et de mulet.L’instituteur, itinérant, se devait de respecter les traditions coutumières des populations tout en appliquant son programme. Cette école, accueillie tout d’abord avec méfiance, ne tarda pas, grâce à la foi des instituteurs nomades et à la droiture des chefs Touareg, à s’inclure totalement dans la vie du pays.

Les instituteurs trouvèrent des enfants Touareg solides, résistants et propres. « …Le jeune Targui pousse au grand air, il coure après les chèvres et les chameaux, parcourant la nature à la recherche de lézards et de petits rongeurs, s’initiant ainsi à sa vie de nomade. S’il est capable de concentrer son attention, celle-ci est furtive : s’agit-il du manque de travail intellectuel ou plutôt d’une tendance naturelle à la rêverie et au farniente? La mémoire, en général est excellente, vive et sûre, la vie nomade impose cette qualité dans un environnement aussi spécifique et, où, la moindre défaillance mémorielle peut s’avérer tragique… »

Si cette école a si bien réussi, cela tient à quelques préceptes, dont le tout premier est le respect des coutumes des populations hôtes, suivi du respect de la religion et des conversations, du respect de l’équilibre de cette société, de la préservation de l’unité géographique, sociale et économique et de la dispense de programmes ne heurtant pas les populations. Cette réussite est le fruit de l’engagement, tant des instituteurs « pionniers » doués de qualités humaines, pédagogiques rares et d’abnégation, que des chefs Touareg et des populations nomades qui ont acceptées d’entrer dans ce monde moderne où, sans éducation, les enfants seraient voués à une vie particulièrement difficile.

 

Alain Gibergues

Extrait du Mémoire Vive n°51