André SUREDA : l'Humanité retrouvée

Sureda

Originaire d'une brillante lignée d'architectes espagnols, André SUREDA (Versailles 1872 - 1930 Versailles) possède une solide pratique du dessin, lorsqu'il décide de se consacrer à la peinture en 1894.

Naturellement intègre à l'École Nationale des Beaux-Arts, il quitte très rapidement l'atelier de Tony ROBERT-FLEURY (1837- 1912) et de Jules LEFEVRE (1836-1911), pour la liberté des grands espaces. Il sillonne alors la France, de la Bretagne an Tarn, et pousse ses recherches sur la peinture de paysage aux confins de l'Europe du Nord, jusque dans les années 1902-1903. Rien ne prédispose donc SUREDA à devenir un peintre majeur de l'Afrique du Nord, mais c'était sans compter la soudaine révélation de l'Orient.

C'est sous l'invitation de sa sœur qui réside depuis quelques temps à Blida, que SUREDA se rend pour la première fois en Algérie en 1896. De retour en métropole, l’appel de l'Orient le reprend rapidement après cette trop brève incursion algérienne. Des 1898, il poursuit sa découverte de l'Afrique du Nord par la Tunisie, puis regagne Tanger (Maroc) l'année suivante. SUREDA passera presque le reste de cette année 1899, en Algérie. Dans ce pays, il entame de nombreux croquis qui serviront a l'illustration de l’œuvre de Maupassant, Au Soleil. A partir de 1900, date a laquelle il fait son entrée au Salon des Peintres

Orientalistes Français avec Tanger, femmes Ouled Nails, SUREDA consacre de plus en plus sa peinture aux sujets orientalistes. L'obtention d'une bourse de voyage par le ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, en 1904, décide de sa vocation de peintre orientaliste qui s'échafaude progressivement entre 1905 et 1910.

SUREDA met un certain temps a s'extirper des poncifs orientalistes de DELACROIX. "Femmes Mauresque faisant la sieste", "Les Femmes du Harem", illustrent quelques-unes des meilleures citations des fascinantes « Femmes d'Alger dans leur appartement » (1834), qui habitent encore les débuts orientalistes de SUREDA. D'emblée, la force du témoignage, la fébrilité du trait de DELACROIX, la polyvalence technique du maitre romantique, exercent une admiration durable chez le jeune peintre. Outre l'intrusion malicieuse de nombreuses références à l'orientalisme romantique, ces toutes premières œuvres orientalistes possèdent une indéniable sensibilité impressionniste de la couleur et de la matière. La référence à RENOIR dans l'édulcoration des couleurs sous la pâte blanche, s'impose alors immédiatement au regard. Bien qu’à la lumière de "La fumeuse de Narguile" (1911), sa peinture trahisse d'évidentes allusions au romantisme et à l'impressionnisme, ce savant dosage d'influences dévoile déjà la très forte originalité de rapport personnel de SUREDA. C'est au tournant de la fin des années 1912, que SUREDA, impose l'entière personnalité de son style. Ne retournant qu'à de très rares occasions en France, SUREDA s'inspire directement de l'observation de la réalité quotidienne de la population algérienne.

Ce regain de réalisme, renouvelle le genre de la peinture orientalise incriminé de s'obstiner dans l'inlassable répétition des sujets romantiques du souk au harem. Installé dans la communauté juive de Tlemcen, SUREDA est témoin de la détresse d'une population, paupérisée et minoritaire. En totale rupture avec l'habituelle complaisance de la peinture orientaliste, il va se livrer à la création d'une surprenante série de toiles sur les femmes juives au cimetière, durant l'épreuve de la première guerre mondiale (1912- 1913/1918) « Femmes Juives au Cimetière du RAB », 1912, « Juive au Cimetière » (Tlemcen), 1913, « Femme Juive au cimetière » (seule), « Le cimetière Juif » 1918, Musée Départemental de l'Oise, Beauvais. La violence du chromatisme, l'expressivité des mains, le dépérissement des visages ravinés par le chagrin et l'angoisse de l’avenir, font de ces portraits une création a part entière dans l’œuvre peinte de SUREDA. La démonstration de l'Universalité de la douleur au travers de ces scènes de cimetière, dévoile l'intention permanente du peintre qui procède du particulier au général, qui comprend l'étrangeté locale comme une composante de l'humanité. Cet humanisme explique l'attachement constant de SUREDA pour la figuration. Un sentiment profond qui associe perpétuellement la figure à l'espace naturel, avec lequel elle forme une unité indivisible. Grace à l'observation humble et naïve d'une réalité étrangère à son regard, SUREDA a pu trouver les moyens plastiques capables de représenter cette précieuse métaphore de l'Union de l'Homme avec la nature. Ainsi, le peintre métamorphose la femme en être végétal « La femme a l'Iris », « La femme aux bambous », … déroutant nos sens, pour mieux nous transmettre intensité de son sentiment vécu au contact d'une réalité poétique, que seul l'artiste a pu déceler.

L'extrême simplification des formes, la planéité poétique, littéralement transforme en pictogramme,  l'absence de perspective classique, le cloisonnement des couleurs, la pauvreté du support, sont autant de signes d'une recherche de l'unité décorative du tableau.

Mort prématurément en 1930, des suites d'une maladie contractée lors de son dernier voyage en Syrie, il laisse une œuvre prolifique et singulière dans le panorama de la peinture orientaliste au XXème siècle.

Alexandra PERSON


Auteur de « André SUREDA (1872-1930) ou la révélation d'un peintre moderne en Orient » Mémoire de Maitrise - Université Paris IV - La Sorbonne, sous la direction de Monsieur le Professeur Bruno FOUCART et de Monsieur Adrien GOETZ, Maitre de Conférences, et avec l'aimable collaboration de Lynne THORNTON. Septembre 2002/2003.

« La peinture monumentale à Alger dans l'entre-deux guerres » Mémoire de D.E.A. Université Paris IV La Sorbonne sous la direction de Monsieur le Professeur Bruno FOUCART et avec l'aimable collabo¬ration de Madame Elisabeth CAZE¬NAVE, Expert et Docteur ès Lettres en Histoire de l'Art Paris IV Sorbonne et de Madame Geneviève LAC¬AMBRE, conserva¬teur honoraire (En cours de rédaction) Disponible fin juin 2005.

Extrait du Mémoire Vive n°30