Au pied de l'Atlas blidéen, à une cinquantaine de kilomètres d'Alger, se trouve un petit village, Souma, créé en 1845.
Huit ans plus tard ma famille s'y installe, mon arrière-grand-oncle, Jules Charles Teule, médecin, ayant obtenu une concession en 1845. A sa mort en 1869, la propriété fut reprise par son neveu, Léon Teule, auquel succéda son petit-fils, mon père, Marcel Astier (ci-contre), dès son retour de la guerre de 14.
La S.F.S.M. (Société Française de Secours aux Musulmans)
C'est là, à Souma, que mon père crée fin 1934 la Société Française de Secours aux Musulmans. La société regroupe alors 639 membres payant cotisation, 32 européens et 607 indigènes. Mais bien avant cette date l'idée d'une telle réalisation germe dans l'esprit de mon père.
Il semble que dès 1908, il avait alors 19 ans, il se préoccupe de la situation de la population rurale de notre commune. Cette préoccupation se renforce et se précise à son retour de la guerre de 14-18.
Il est frappé par l'état sanitaire de cette population et en particulier par l'importance du paludisme, de la syphilis, de la variole, des maladies ophtalmiques (trachomes) ainsi que par la mortalité infantile. Les malades ne vont à l'hôpital, alors, que trop tardivement — et aucune autre alternative ne leur est proposée sur la commune.
Il est préoccupé aussi par le manque de liens à cette époque entre les populations européenne et musulmane.
C'est ainsi qu'il cherche à créer une formation qui aura un triple but :
1. Améliorer la santé par une action préventive et curative
2. Améliorer l'habitat
3. Rapprocher les éléments des deux communautés.
Sa grande idée, c'est que l'évolution et la pénétration de la population musulmane ne peuvent se faire que par les femmes et que c'est donc par elles, à leur niveau, qu'il faut commencer.
Comment pénétrer cette population avec les difficultés que représentaient les différences de langue, de coutumes. Qui donc serait plus proche des femmes, plus facilement en contact avec elles, sinon des infirmières sages-femmes présidant aux accouchements.
Nous savons que grossesses et accouchements sont des sujets dont les femmes aiment beaucoup parler.
Jusque là, seules les matrones accouchaient les femmes musulmanes et on pouvait déplorer une forte mortalité due à un manque d'hygiène, à leur incompétence dans des cas difficiles.
Qui pourrait contrecarrer leur autorité, établir un contact avec la femme en couches et sa famille, sinon, au moins en un premier temps, des sages-femmes musulmanes ou de langue arabe ?
L'idée d'une école d'infirmières musulmanes était née et prit corps peu à peu. Elle finit par être créée à Alger, probablement vers 1930, par une Sœur Blanche, mère Marie-Madeleine, qui dirigeait à l'époque la Clinique de la S.S.B.M (Société de Secours aux Blessés Militaires), du boulevard de Verdun à Alger, et était directrice de la Croix Rouge Française.
Dès lors la collaboration sera étroite entre cet organisme et la S.F.S.M. (Société Française de Secours aux Musulmans). Mère Marie-Madeleine, puis plus tard Mère Thérèse d'Avila, prodiguant leurs conseils et faisant profiter mon père de leur expérience dans le domaine social et médical, puis procurant au dispensaire le personnel infirmier nécessaire dont elles assuraient le contrôle. D'ailleurs, dès 1940, un contrat est passé dans ce sens avec le groupement d'infirmières et d'assistantes sociales du Bd de Verdun. La présidente de ce groupement était Mademoiselle de Saint Oyant qui deviendra plus tard vice-présidente de la S.F.S.M.
A noter aussi qu'en 1941, mon père, Président de la S.F.S.M., étant toujours mobilisé dans le sud algérien, l'Assemblée générale de la SFSM prend la décision de "confier à la C.R.F par l'intermédiaire de son organisme d'Alger (ex SSBM) le contrôle total de la SFSM au triple point de vue financier, technique et administratif et ce jusqu'à la fin des hostilités et jusqu'à décision contraire de l'Assemblée".
Je voudrais aussi nommer, parmi ceux qui ont apporté leur aide à mon père dans la création de la SFSM, un musulman habitant le village, boucher de son état, Nemdil ben Youssef, que mon père cite souvent tant pour ses conseils que pour son action auprès de ses coreligionnaires.
Font partie d'ailleurs de l'association, en tant que membres, et payant une cotisation, la quasi totalité de la population européenne et bon nombre de musulmans.
Cours d'hygiène dans les douars
L’installation des premières infirmières
Ainsi donc le dispensaire de Souma est créé en 1934. Avant cette date, des consultations étaient assurées une fois par semaine par le docteur Péduran de Boufarik, médecin communal. Mais en 1935, arrive une sage-femme, de langue arabe, formée à l'école des Soeurs Blanches d'Alger, Madame Touitou, qui exercera 6 ans au dispensaire. On l'installe dans un logement inoccupé de l'école du village.
Elle effectue des visites prénatales dans les douars, se déplaçant souvent à bicyclette, parfois en voiture, pratique des accouchements à domicile (plus de 200 la première année), effectue les vaccinations de B.C.G, donne des conseils d'hygiène, de puériculture, tout ceci sous la surveillance d'une monitrice de l'École qui se déplace une fois par semaine d'Alger.
Elle donne aussi des soins dans un local désaffecté du village, sous la direction du docteur Péduran.
En 1936, la S.F.S.M. s'adjoint une infirmière diplômée française, Mademoiselle de JOSSELIN ainsi qu'une aide-soignante musulmane, Madame Tessadit. Et des soins réguliers sont donnés alors tant à domicile que dans ce premier dispensaire, toujours sous la direction du Dr Péduran.
Mademoiselle de Josselin, obligée de cesser son activité pour raisons de santé, sera remplacée par Madame Muller qui exercera jusqu'en 1940 ; elle partira en même temps que Madame Touitou. Ce sera alors l'arrivée de Mademoiselle Dumestre que viendra seconder, deux ans plus tard, une sage-femme, Mademoiselle Nicolle. Toutes deux resteront près de 22 ans sur place, véritables âmes du dispensaire, montrant un dévouement et une compétence exemplaires.
En même temps, un deuxième médecin, aussi de Boufarik, viendra seconder le Dr Péduran, puis le remplacer, le Dr Rouvier. Celui-ci, ancien condisciple de mon père au collège, lui avait proposé son aide en ces termes : « Laisse-moi travailler ici et apporter ma collaboration à cette œuvre. Tu ne le regretteras pas et je ne te demande rien » ; cette collaboration, il l'a assurée jusqu'à sa retraite.
Dans les dernières années, deux autres généralistes les remplaceront, les Docteurs Valton et Hafiz.
Dès 1946, des médecins spécialistes viendront renforcer l'équipe, l'ophtalmologiste Madame le Docteur Bardenat et son époux, neurologue, puis en 1948 Madame le Docteur Farkas. Mesdames Bardenat et Farkas assureront deux visites par mois, et Monsieur Bardenat une par mois.
Devant un tel développement, les premiers locaux ne pouvaient plus convenir et dès 1937 est construit le nouveau dispensaire avec logement pour l'infirmière-major, puis en 1947 des logements pour les infirmières et enfin en 1948 un centre de radiologie.
Des locaux bien adaptés
La conception du bâtiment est parfaitement adaptée à la population à laquelle il est destiné. Il servit par la suite de plan type pour les dispensaires conçus par l'administration.
Au centre le bureau du médecin et la salle d'examens ; de part et d'autre, ouvrant sur deux côtés différents du bâtiment, une salle d'attente hommes et une salle d'attente femmes, chacune pourvue d'un W.C et de trois box de déshabillage, communiquant d'une part avec la salle d'examens et d'autre part avec la salle de soins.
Le centre de radiologie, ajouté en 1948, conçu sur le même principe que le dispensaire principal, comprend une salle de radiologie (dont murs et portes sont plombés) dans laquelle donnent de part et d'autre la salle d'attente femmes et la salle d'attente hommes, un laboratoire de développement et un service fichier médical.
On trouve enfin une salle d'insufflation pour les pneumothorax et un laboratoire d' analyses.
Un arrêté du Gouvernement Général rattacha à ce centre antituberculeux les communes voisines : Beni Mered, Boufarik, Bouinan, Chebli. Il faut dire que dès 1949 on assiste à une recrudescence de la tuberculose, rapportée de France par des travailleurs algériens attirés de plus en plus nombreux par le travail dans la métropole.
Le colonel DESJOURS avec MM. BARET, ASTIER devant le dispensaire de Souma
La pochette familiale : un outil ingénieux
Ce tableau de l'organisation du dispensaire ne serait pas complet sans la description du fichier, particulièrement pratique, chef-d’œuvre d'ordre et d' ingéniosité .
Il comprend, réunies dans une pochette familiale portant le nom du chef de famille et un numéro d'immatriculation :
- une fiche médicale individuelle indiquant les dates de visites, diagnostics et traitements.
- une fiche médicale familiale indiquant la composition de la famille et mentionnant les différentes affections chroniques dont la famille est atteinte (trachome, paludisme, syphilis, etc... ), ceci à l'aide de cavaliers de couleurs placés sur la tranche de la fiche.
- une fiche familiale sociale indiquant les conditions d'hygiène et les moyens d'existence ainsi que les dates de visites à domicile. Toutes ces fiches portent le même numéro d'immatriculation et sont de couleurs différentes selon les douars.
- Le consultant se voit remettre une carte médicale individuelle sur laquelle sont reportés les soins qui lui sont donnés et les dates de visites.
Il a de plus une carte divisée en timbres et demi-timbres avec lesquels il paye ses soins. Ces cartes sont de couleurs différentes suivant son degré d'indigence.
En effet, une des particularités de l'organisation du dispensaire tient à ce que chacun paye selon ses possibilités. C'est un point auquel mon père était très attaché. Il lui semblait amoral que les soins soient entièrement gratuits et il avait aussi la conviction que pour beaucoup, un soin gratuit ne guérit pas. Il considérait aussi qu'il était anormal de tout demander à la collectivité, que chacun devait faire un effort pour s'aider soi-même.
Au moment de la création de la Sécurité Sociale puis de son application à l'Algérie, il a maintes fois développé cette idée, déplorant que le même régime soit appliqué à tous, et exprimant sa crainte de voir s'instaurer un assistanat faisant disparaître peu à peu tout esprit de prévoyance, de responsabilité.
Ainsi avait-il établi au dispensaire un barème de 25%, 50%, 75% indigents, à côté de 100% payants ou 100% indigents.
Cette discrimination se fondait d'une part sur les feuilles d'impôts, et d'autre part sur la connaissance des milieux familiaux par les infirmières visiteuses.
Toute cette organisation a été très souvent admirée ; tous les gouverneurs généraux ont successivement visité le dispensaire — ainsi que différentes réalisations dans les douars (constructions de mosquées, logements, etc...).
En 1941, une lettre du Préfet d'Alger faisait part de l'intérêt du Général Weygand pour cette réalisation.
En 1947, les services sociaux de l'armée, au Maroc, font demander à mon père, par l'intermédiaire du Général André qui avait visité le dispensaire, de bien vouloir lui communiquer le plan ainsi que celui du fichier et de son organisation interne.
L’entrée du dispensaire avec les versets du Coran
Une organisation rigoureuse pour des besoins considérables
Dans ce cadre, avec ce matériel, comment fonctionne le dispensaire ?
Sur place les consultations sont donc assurées par un généraliste deux fois par semaine et par les médecins spécialistes tous les 15 jours, ce qui porte les consultations à trois par semaine.
Au cours des consultations d'ophtalmologie, certaines opérations peuvent être effectuées : cataractes, trichiasis.
Le médecin phtisiologue, quant à lui, peut pratiquer des pneumothorax et les insufflations qui s'ensuivent.
Les soins sont assurés par l'infirmière-major et une sage-femme chef de service assistées de deux autres infirmières dont une sage-femme.
A l'extérieur, la sage-femme se déplace de jour comme de nuit pour les accouchements, une mallette d'accouchement adaptée au mode de locomotion employé est toujours prête. La sage-femme effectue les visites pré et post natales (3 visites prénatales, en général au dispensaire), visite quotidienne les 8 premiers jours après l'accouchement, nouveau-né suivi pendant un mois ; elle procède aux vaccinations, B.C.G, accorde une large place à un enseignement auprès des jeunes accouchées (hygiène, soins aux nourrissons). Une infirmière est chargée de certaines visites sociales et de différents soins.
Toutes deux se déplacent en auto mais aussi à bicyclette ou à cheval dans certains douars de montagne.
Les accouchements difficiles peuvent avoir lieu au dispensaire dans un local très simple comprenant un poste d'eau et un w.c. La famille y a accès et apporte la nourriture et le matériel de couchage. Une auto peut aller chercher la jeune femme à domicile si nécessaire.
Les opérés de la cataracte peuvent profiter du même genre d'organisation.
Quels sont donc les résultats de tout ce travail ?
Les quelques chiffres suivants, provenant des statistiques du dispensaire dans quelques années prises au hasard depuis sa création, peuvent en donner une idée.
M. DELOUVRIER en visite saluant les infirmières avec M. ASTIER
Des chiffres éloquents
Dès 1936, le dispensaire reçoit 2062 consultants qui bénéficient de 25174 soins, tandis qu'à l'extérieur, au cours de 1282 tournées, 5222 soins et vaccinations sont effectués (dont 143 accouchements).
En 1940 nous ne trouvons plus que 1240 consultants et à l'extérieur seulement 917 tournées. Cette diminution qui durera pendant toute la guerre est due aux difficultés d'approvisionnement, que ce soit en médicaments ou en essence.
Mais dès 1948, nous retrouvons des chiffres équivalents aux premières années pour arriver en 1950 à 18119 consultants au dispensaire avec 26690 soins, tandis qu'à l'extérieur au cours de 1422 tournées sont donnés 5864 soins dont 134 accouchements.
Année 1961 : de 36870 consultants au dispensaire avec 49580 soins et, à domicile ,16500 soins dont 150 accouchements.
Si l'on examine les résultats à travers les statistiques, on constate une nette amélioration de la santé dans la commune, mise à part la période de la guerre pour les raisons que j'ai évoquées précédemment.
En effet, grâce à toute cette organisation médicale, la variole a pratiquement disparu, les maladies vénériennes et le paludisme sont en nette régression de même que le trachome.
La mortalité infantile a diminué ainsi que les fausses couches et les naissances prématurées.
Les femmes de la montagne n'ont souvent pas le droit ou la possibilité de descendre au village et se montrent d'autant plus reconnaissantes quand la "toubiba" se déplace jusqu'à elles.
Je me souviens des innombrables démarches faites par mon père au Gouvernement Général, au Directeur de la Santé Publique. Certains noms sont restés dans ma mémoire comme ceux du Dr Grenoilleau, directeur de la Santé Publique et de son adjointe, Mademoiselle Mallet, puis des Drs Lartigues et Molines aussi Directeurs de la Santé Publique, qui le reçurent toujours avec beaucoup de compréhension.
Mais il faut bien ajouter que tout ceci n'était pas toujours suffisant et que des aides privées souvent importantes ont été parfois nécessaires, que ce soit sous forme de prêt ou de don.
En 1946 en particulier, l'Assemblée générale du 16 février lance une souscription dans la commune à laquelle répond pratiquement toute la population française mais aussi de nombreux musulmans. Les dons s'échelonnent entre 20F et 1500F voire même 2500F de l'époque.
Le Dr BARDENAT opérant de la cataracte
Une écoute attentive des jeunes filles
Enfin, dernière réalisation de la S.F.S.M., et parmi celles qui tenaient le plus, je crois, à mon père, est la création du poste de secours dans les douars.
Le premier réalisé en 1942 étant à Hallouya, situé entre Souma et Boufarik.
Ces postes sont accolés à la mosquée et à l'école coranique : ils sont constitués d'une salle à usage médical (on y dispense quelques soins) mais aussi social. L'infirmière chargée de ce poste y réunit les petites filles du douar. Assises par terre sur des nattes, comme ses élèves, elle leur apprend quelques rudiments d'hygiène, par exemple comment stériliser un biberon en le faisant bouillir - quelques pratiques ménagères — coudre un bouton — mettre une pièce à un vêtement, tricoter une brassière. On y ajoute quelques notions scolaires : français, lecture, écriture. Les petites filles raffolent de ces réunions qu'elles suivent assidûment. Par la suite, conséquences des "événements" c'est à Souma seulement que seront donnés les cours aux petites filles.
Ces relations avec les petites filles sont l'occasion pour l'infirmière d'entrer en contact avec les familles, avec lesquelles elles peuvent établir un lien, au cours de conversations occasionnelles, toutes menées avec un esprit d'ouverture et de compréhension de l'autre, avec le but chaque fois que l'occasion se présente de mettre l'accent sur les points qui rapprochent l'Islam et le christianisme. C'était un des grands soucis de mon père qui citait souvent ce début du verset 169 de la Sourate IV dite sourate des femmes « ô vous qui avez reçu les Ecritures (les chrétiens) dans votre religion ne dépassez pas la mesure, ne dites de Dieu que ce qui est vrai : le messie, Jésus, Fils de la Vierge Marie, est l'apôtre de Dieu, et son Verbe qu'il jeta dans Marie ; il est un Esprit venant de Dieu. Croyez donc en Dieu et en ses apôtres ».
La salle de radio de l'aile antituberculeux
Des reconnaissances officielles qui précèdent la triste fin de l’expérience
Durant toute la durée des "événements" le dispensaire continuera à fonctionner et les infirmières à assurer leurs visites à l'extérieur. En 1956 le Régiment de chasseurs de chars détaché de la 7ème DMR, basé à Souma, met des médecins à la disposition du dispensaire et assure la sécurité du déplacement des infirmières.
Le 9 juin 1958. Mesdemoiselles Dumestre et Nicolle sont citées à l'ordre de la brigade portant attribution de la Croix de la valeur militaire, avec étoile de bronze, pour leur comportement, assurant chacune leur service seule dans les douars, la nuit, et en particulier ramenant calme et tranquillité par leur attitude ferme et courageuse, l'une au douar de Guerrouaou où il y avait eu 17 tués le 27.09.57 et l'autre à Hallouya où il y avait eu 11 tués le 14.09.56.
Cependant en juin 1962, mon père se voit obligé de réunir dans son bureau, Mlles Dumestre et Nicolle, les deux infirmières principales, exerçant depuis 22 ans, et les invite à prendre leurs congés et à partir en France, craignant pour leur sécurité. Leur intérim est assuré malgré tout.
Mais le 7 juillet un délégué du F.L.N téléphonait à mon père lui demandant les clés du dispensaire. Mon père lui faisait remarquer que celui-ci, oeuvre privée, échappait aux rétrocessions de l'Etat français à l'État algérien, et que son intégrité, en tant que bien privé était garantie par les déclarations du G.P.R.A.
Rien n'y fit.
Mesdemoiselles Dumestre et Nicolle, revenues d'urgence, se trouvent le 14 juillet dans leur appartement du dispensaire, cerné par le F.L.N, armé.
Le chef F.L.N leur déclare que le dispensaire est à eux désormais et que le drapeau français doit être descendu. Mon père vint avec elles effectuer cet échange de drapeaux, moment particulièrement douloureux pour eux qui avaient consacré une si grande partie de leur vie à une tâche faite au nom de la France.
Une équipe non qualifiée s'installa dans les locaux, c'est le chauffeur du dispensaire qui mit la blouse blanche des docteurs. En une semaine la pharmacie fut dilapidée.
Le 13 août 1962, mon père adresse une lettre à l'ambassadeur de France à Alger et au Consul de France à Blida, leur demandant leur aide, lettre dans laquelle il exprime toute sa rancoeur, sa déception de voir anéantie ce qu'il considérait comme l'œuvre de sa vie, de voir anéantie cette collaboration algérienne et française pour laquelle il avait tant travaillé. Je lis entre autres cette phrase « chacun sait dans ma région que même à l'époque trouble des années qui se sont écoulées depuis le 1er novembre 1954, je n'ai jamais porté une arme quelle qu'elle soit sur moi, ne pouvant admettre d'être armé au milieu des miens et leur faisant confiance ».
Quelques jours plus tard, le 23 août, il était enlevé et assassiné sur la route de Boufarik à Souma.
Racontée par Madame Marinopoulos dans le Mémoire Vive n°47
Melle DUNESTRE en tournée dans les montagnes
14 juillet 1958 à Boufarik, remise de la Croix de la valeur militaire à Melle NICOLLE, sage-femme au dispensaire