Il y a cent ans disparaissait Charles de Foucauld

A l'occasion des 100 ans de la disparition de Charles de Foucauld, en avant-première, un extrait du prochain Mémoire Vive n°64.

Petit historique de sa vie : Charles de Foucauld de Pontbriand est né le 15 septembre 1858 à Strasbourg. Son père, inspecteur des Eaux et forêts, et sa mère décèdent, à cinq mois d’intervalle, alors qu’il a 6 ans lui laissant, avec sa sœur, un héritage important. Ils sont alors élevés par leur grand-père, le colonel Morlet, qui sera plein d‘indulgence pour eux.

Charles de Foucauld est issu d’une famille d’ancêtres illustres qui jalonnent l’Histoire de France et dont la devise était « Jamais arrière ». On trouve vers 970 un Hugues de Foucauld qui devient moine après avoir distribué tous ses biens ; un Bertrand de Foucauld en 1250 qui tombe glorieusement en combattant aux côté de Saint Louis, à la bataille de Mansourah, et Armand de Foucauld, prêtre réfractaire, qui sera martyrisé dans les Jardins des Carmes en 1792, pendant la Révolution.

Assekrem. Chapelle de Charles de Foucauld

Charles de Foucauld va suivre ses études au lycée de Nancy d’octobre 1871 à juillet 1874. Reçu bachelier il entre à l‘école des Jésuites à Paris d’où il sera renvoyé au bout d’un an, l’internat lui étant odieux et le programme scolaire ne l’intéressant pas, bien qu’élève très intelligent.

Il décide de suivre les traces de ses ancêtres et d’être officier. C’est ainsi, qu’après avoir travaillé seul son examen, il est admis, le 30 octobre 1875, à St Cyr : 83èm sur 412. Il travaille avec peu d’ardeur mais réussit à être admis parmi les 80 cavaliers de la promotion. Il entre ensuite à Saumur en 1878 et en sort en 1879 : dernier de sa promotion. Il est nommé sous-lieutenant au 4ème Hussard à Pont-à-Mousson, qui se transforme peu après en 4ème Chasseur d’Afrique, régiment  envoyé à Sétif.

A cette époque Charles de Foucauld est un joyeux fêtard qui dilapide son argent et mène une vie « légère ». Ainsi, au moment de partir pour l’Algérie, il fait passer sa maîtresse pour sa femme et la fait partir pour Sétif. Mais rapidement le scandale éclate et le colonel le met en disponibilité en 1880. Foucauld quitte Sétif et s’installe à Evian où il reprend sa vie de fêtard.

Charles de Foucauld quand il était Hussard

Cependant il apprend la révolte de « Marbout » Bou Amana dans le Sud oranais et la désignation de son régiment pour le rétablissement de l’ordre. Cette nouvelle le bouleverse, il ne peut supporter que ses camarades risquent leur vie alors qu’il vit tranquille à Evian. Ne pouvant reprendre comme officier d’active il demande sa réintégration comme soldat dans un régiment de Spahis, ce qui est accepté. Il rejoint l’Algérie où immédiatement il se couvre de gloire par son courage tranquille, son mépris absolu du danger. Fini le fêtard, l‘officier a pris le dessus, ce qui a fait écrire par le Général Laperrine « Ce fêtard se révèle un soldat et un chef ».

Le désert et sa magie, la solitude des grands espaces, l’ont impressionné et permis de réfléchir. De même il est surpris par le monde islamique, par « Ce sens de Dieu et de l’adoration qui caractérise le vrai musulman ». Il désire alors mieux connaître ce monde arabe et visiter le Maroc tout proche, mais ce pays est interdit aux Européens sous peine de mort. Il démissionne de l’Armée et rejoint Alger où il se rend à la bibliothèque dont le conservateur Mac Carty, célèbre pour sa connaissance de l’Islam, le conseille sur les lectures les plus intéressantes. Il apprend l’Arabe, le Berbère, oral et écrit, de même que l’Hébreu. Les juifs pouvant entrer au Maroc il décide qu’il s’y rendra en rabbin miteux, portant le costume des Juifs marocains, suivra la religion juive et son nom sera « rabbin Joseph ».

Le départ a lieu le 20 juin 1883 et pendant 11 mois il explore, prend des notes sur un minuscule carnet dissimulé au creux de sa main, un sextant, un baromètre, un thermomètre et une boussole cachés dans les plis de son vêtement. Il va ainsi effectuer des relevés, des observations, dessiner des cartes : Tanger, Tatouara, Fez, Agadir, Mogador, … pour finir le 28 mai 1884 à Lalla Marnia en Algérie. Il repartira de septembre au 31 décembre 1885 explorer les oasis du Sud algérien et du Sud tunisien. Il se retire ensuite à Alger où il continue la mise en ordre de ses notes commencées à Mogador, puis rejoint Paris où il rédige le texte définitif de son travail et le publie. C’est un succès considérable. En effet il a ainsi contrôlé et rectifié 700 kms d’itinéraires déjà connus, en a décrit 2250 de nouveaux, déterminé 45 longitudes, 40 latitudes et 3000 altitudes, décrit le pays, les cultures, etc…

Peu à peu Charles de Foucauld s’est éloigné de la foi, il continue à respecter la religion catholique, mais il ne croit plus en Dieu. C’est à ce moment-là qu’il fait la connaissance, chez sa tante Inès Moitessier, de l’abbé Henri Huvelin qui va avoir une très grande influence sur son évolution. Foucauld écrira à son sujet « Un des derniers jours d’octobre en confession je lui demandais des leçons de religion. Il me fit mettre à genoux, me fit confesser et m’envoya communier séance tenante. La prière, la sainte lecture, l’assistance journalière à la messe (….) Au bout de quelques semaines, la direction se fait de plus en plus fréquente, enveloppant toute ma vie, en faisant une vie d‘obéissance. Que vous êtes bon Mon Dieu, d’avoir tout brisé autour de moi, d’avoir tellement anéanti tout ce qui m’aurait empêché d’être seul avec vous ».

Le bordj-ermitage du Père de Foucauld à la porte duquel il fut assassiné (photo Ofalac, Alger)

Fin novembre 1888 il part effectuer un pèlerinage en Terre Sainte, et c’est à Nazareth que son immense désir de suivre le Christ et de lui consacrer sa vie s’impose à lui. Le 15 janvier 1890 il entre à la Trappe Notre dame des Neiges, un pauvre monastère en Ardèche où il prend l’habit de novice et le nom de Frère Marie-Albéric. Puis il séjournera au prieuré cistercien d’Akbès en Syrie, encore plus pauvre. Il écrira le 11 septembre 1890 « C’est en moi le beau fixe. Mon âme est dans une paix profonde qui n’a cessé depuis mon arrivée ici et s’affermit chaque jour. C’est une paix qui augmente la foi, qui s’appelle la reconnaissance ». Mais cette vie ne lui suffit plus, il part à Rome en 1894, complète ses études de théologie et revient en février 1897 en Terre Sainte où il rejoint, à pied, Nazareth comme  « Frère Charles de Jésus ». Il est embauché chez les Clarisses comme sacristain et jardinier, loge dans une cahute juste bonne à ranger les outils de jardin, mais c’est là qu’il passe des heures à prier et à méditer.

Intérieur de la chapelle

L’abbé Huvelin, resté son directeur de conscience, lui fait comprendre que seul le sacerdoce pourra combler ses vœux et le 9 juin 1901 il est ordonné prêtre à Viviers en Ardèche. Mais il rêve de retourner en Afrique et d’y fonder une congrégation de moines, en attendant de pouvoir fonder son ermitage. Le 25 octobre 1901 Frère Charles de Jésus arrive et s’installe à Béni Abbès où est donnée la première messe. Son rayonnement devient très rapidement considérable parmi les Musulmans qui appellent sa maison « La Khaoua » -La Fraternité-. Le 25 juin 1905 il rencontre l’amenokal (chef de tribu) Moussa Ag Amastame qui décide de faire alliance avec l’autorité française.  Tous deux s’apprécient mutuellement et de leur rencontre naît une amitié profonde. Moussa Ag Amastame autorise ainsi Charles de Foucauld à s’installer dans le Hoggar. Mais Charles de Foucauld veut évangéliser par la présence du très Saint Sacrement et non par la parole. Il écrira « Il faudrait instruire d’abord, convertir ensuite. On ne peut pas en faire d’abord des chrétiens et civiliser ensuite »…..  De même au sujet des Touaregs « Il faut y aller prudemment, doucement, les connaître, nous faire d’eux des amis ».

C’est à cette époque que le Commandant Laperrine, chef des Oasis, lui demande de l’accompagner dans une vaste tournée en pays touareg. Foucauld part avec son ami et découvre au Hoggar Tamanrasset, à 1600 kms d’Alger et 40 du Fort Motylinski où il s’installe et va vivre jusqu’à sa mort. C’est à Tamanrasset qu’il voulait faire entrer la vérité en ces contrées dépourvues de prêtres chrétiens. Il ne s’impose pas mais demande l’aumône et accueille chez lui tous ceux qui viennent frapper à sa porte. Il lutte contre l’esclavage encore en vigueur et forme avec les esclavagistes une petite communauté dans l’Eglise primitive. Il mènera une vie de Touareg. De juillet 1907 à Noël 1908 la famine touche le Hoggar, Charles doute de son efficacité car il ne peut plus dire la messe étant seul, sans servant, il n’a pas fait de conversions et est profondément seul. Il donne sa nourriture aux victimes de la famine, et passe Noël sans célébrer la messe. Le 7 janvier 1908, épuisé et amaigri, il ne peut plus bouger, c’est alors qu’il est sauvé par les Touaregs qui lui donnent, en pleine famine, du lait de brebis. Cet épisode marquera une « 2ème conversion ».

Sur le bordj de Tamanrasset, Paul Embarek montre la balle qui tua le Père de Foucauld

Le 1er décembre 1916 c’est dans le fortin, construit pour protéger la population des incursions d’éléments marocains et libyens, qu’El Madani, un Musulman qui se disait son ami, laisse pénétrer les hommes d’un « rezzou » des Senoussites à la recherche d’armes et qui pensaient en trouver à l’ermitage. Charles de Foucauld est trainé hors du bordj, refuse d’abjurer sa foi, comme l’exigent les Musulmans. L’arrivée de deux tirailleurs algériens surprend les Senoussites qui paniquent et l’adolescent, chargé de sa garde, l’abat d’un coup de fusil. Son cadavre, dépouillé de ses vêtements, est enterré dans le fossé du Fort par Paul Embarek, le jeune esclave noir qu’il avait pu racheter et qui vivait avec lui.

C’est là qu’en 1917 le Général Laperrine retrouvera le corps. Il écrira à ce sujet à la sœur de Charles de Foucauld « On l’avait laissé dans la tombe provisoire faite par son serviteur Paul, dans le fossé qui avait des chances de se remplir d’eau aux premières pluies. Je l’ai fait exhumer et inhumer sur le sommet de la colline où est son bordj. Votre frère était comme momifié et on pouvait encore le reconnaître ».

Dans la fosse ouverte, les restes du Père de Foucauld

En 1929 l’autorité religieuse fera transférer ses cendres à El Goléa, mais maintiendra son cœur à Tamanrasset. Il repose dans un caveau à 2kms d’El Goléa, près de l’ancien village chrétien de St Joseph. Le Général Laperrine, tué au cours d’une reconnaissance aérienne, a été inhumé à ses côtés.

Marie-Annick Gibergues

NB : Charles de Foucauld a publié, sous le pseudonyme de son ami Motylinski, le dictionnaire Touareg-Français.                                         

Bibliographie

Extraits des archives de l’ « Association Charles de Foucauld » (colonie de vacances de Philippeville) 220 ARC 26 et des « Cahiers Charles de Foucauld » volume 31.

De nombreux ouvrages concernant Charles de Foucauld sont consultables au CDHA : 18 documents écrits par Ch. de Foucauld et 91 ayant trait à Ch. de Foucauld.

Ecusson de l'association Charles de Foucauld